De nos temps, le recyclage à circuit court, des déchets électroniques, en commençant par ceux générés lors de la production, devrait être une règle.
Pénurie des matières et recyclage des circuits imprimés
19/05/2022Appel au recyclage de différentes cartes à puce
15/06/2022Pénurie des matières et recyclage des circuits imprimés
19/05/2022Appel au recyclage de différentes cartes à puce
15/06/2022Recyclage des déchets électroniques
Les causes de la crise des approvisionnements dans le secteur électronique-connectique
Les causes de la pénurie des matières et composants pour le secteur électronique-connectique sont multiples et la pénurie s’est déjà fait sentir en 2018. Mais le niveau de la crise que nous atteignons actuellement est plus qu’inquiétant.
Cet état des faits est consécutif en partie, à la perte d’indépendance économique de notre pays depuis 2000, année du début de la vague des délocalisations de ces industries.
Le fleuron de la connectique, Tyco Electronics (n° 1 mondial) a été délocalisé en 2009 (1). Les deux années de la crise sanitaire (2020-21) et la guerre en Ukraine contribuent à creuser très significativement et de manière accélérée le déficit des approvisionnements. La crise sanitaire est décrite aujourd’hui comme 1ère cause de l’inflation et de la pénurie des matières premières.
CRISE SANITAIRE 2020-2021 ET SINO-DEPENDANCE
La Chine, avec son indépendance économique relative, étant la première à être touchée par la pandémie et à en sortir, connait un rebond de son activité économique et une demande accrue en matières premières métalliques (cuivre, or, argent, nickel…). La pénurie ne touche pas autant ce côté du monde.
De notre côté, les différentes mesures de confinement prises par les États européens ont particulièrement impacté la situation pour nos propres fabricants Européens.
Depuis le début de l’année 2021, nous assistons à une flambée des prix en matières premières, comme le pétrole, mais aussi en matières spécifiques nécessaires à la fabrication des circuits imprimés, comme le cuivre, le palladium, la résine époxy, l’aluminium…
« (…) Les stocks mondiaux de la plupart des matières premières sont quasi-vides : métaux, produits énergétiques(…), la jauge est au plus bas. (…) »
Les nouvelles vagues de confinements stricts décidés en Chine en 2022, n’améliorent pas la situation et provoquent un chaos profond dans l’industrie électronique/connectique du monde entier, sino-dépendant.
Début 2022 c’est Xi’an qui était confinée et menaçait la production mondiale de mémoire vive et flash. Dans cette ville nous retrouvons notamment les usines de Samsung et Micron où la production de leurs modules y est assurée.
Puis le confinement de plus d’une semaine de Shanghai, ville de 25millions d’habitants, a mis de nouveau sous pression l’industrie électronique et connectique mondiale en creusant un peu plus la pénurie des matières premières déjà existante.
Par exemple, le 13 avril à Taïwan, Pegatron stoppe sa production, notamment des IPhones pour Apple. (2) L’électronique mondiale est sous pression.
Le fret international a augmenté de 650% depuis le début de la pandémie. Ce nouveau record inflationniste est d’autant plus important sur la principale route maritime entre l’est de l’Asie et la cote américaine.
Cependant, certains transporteurs ont pris une décision qui a beaucoup étonné sur le plan économique mais également historique : geler les tarifs pour freiner l’inflation. (3)
En 2021, le coût de transport d’un conteneur entre Shanghai en Chine à Rotterdam au Pays-Bas est 5,4 fois plus élevé comparé aux 5 dernières années. Il est ainsi passé de 1 955$ (1 850,11€) à 10 552$ (9 985,89€). (4)
L’explication réside en partie dans le fait que les itinéraires de la Chine vers les pays d’Amérique du Sud et d’Afrique sont plus longs. Cela implique qu’il faille davantage de navires pour assurer un service hebdomadaire sur ces trajets, mais c’est également ce qui entrainent de nombreux blocage de conteneurs. (5)
Le blocage du navire « Ever-Given » dans le canal de Suez a également créé des perturbations supplémentaires, par effet papillon.
METAUX ET SINO-DEPENDANCE
À l’heure actuelle, la Chine ne divulgue pas officiellement ses stocks de métaux industriels, qu’elle détient comme assurance contre les flambées des prix.
En revanche, on sait qu’en 2016 les importations chinoises de cuivre concentré (métal déjà transformé qui entre dans la fabrication de nombreux composants électroniques, dont les circuits imprimés, les accumulateurs et les moteurs électriques) ont bondi de 30% par rapport à 2015, dépassant 17 millions de tonnes.
La Chine est considérée en 2020 comme étant le premier producteur et exportateur de métaux tel que le cuivre et le fer entre autres. Elle détient le quasi-monopole, avec plus de 90% de la production mondiale des métaux rares. Elle en est aussi devenue le principal importateur. (6)
En moyenne, seuls 10% des composants utilisés pour fabriquer une carte électronique ou un système électronique sont d’origine européenne. (7)
De plus, l’augmentation de la demande du parti communiste chinois, en vue d’atteindre leur nouveau plan de développement « Vision 2035 » (faisant référence aux véhicules électriques, accumulateurs lithium ion, tablettes, téléphones), oblige les industriels chinois à approvisionner en priorité leur marché local en matières premières. (8)
Cette situation leur offre la mainmise sur les matières premières et plonge nos fabricants européens dans une pénurie de composants sans fin.
Indispensables à l’activité humaine, les métaux sont utilisés dans toutes les technologies : les téléphones, les voitures électriques et leurs bornes de chargement (et thermiques dans les équipements électroniques), les dispositifs médicaux (ex : respirateurs artificiels…) ou encore les radars et les équipements de pointe pour équiper les armées.
En effet, les matières premières (cuivre, semi-conducteur, puces électroniques…) sont les maillons essentiels des acteurs du circuit imprimés, ils fabriquent le support physique avant d’y incorporer un ensemble de composants électroniques.
Situé en amont de la chaine de valeur, ces derniers sont les fournisseurs des fabricants de cartes et de systèmes électroniques, dont ils sont fortement dépendants. (9)
CONFLIT EN UKRAINE ET NOUVELLES DEPENDANCES
En Ukraine, les exportations n’ont pas été stoppées mais l’économie locale s’effondre malgré les politiques de soutien. Le pays ne peut plus maintenir son rôle d’exportateur de céréales, tournesol mais aussi de fer et d’acier. (10)
L’Ukraine est productrice de néon, (gaz noble et rare, qui permet la fabrication des semi-conducteurs). En début d’année l’Ukraine en avait encore le quasi-monopole et produisait 2/3 du néon mondial. (11)
Depuis le début du conflit, la Russie a fait l’objet de salves de sanctions économiques, imposées entre autres par la commission européenne. Il a été interdit de commercer avec les grandes banques et entreprises du pays (12). Ces sanctions coupent en grande partie les exportations russes, les biens concernés devenant beaucoup moins accessibles.
La Russie est classée douzième pays au plus grand PIB en 2022 (13). Son économie est basée sur l’extraction de matières premières, l’agriculture et l’industrie. Elle exporte des produits agricoles, des produits chimiques, des pierres précieuses, mais surtout des énergies fossiles et des métaux. Par exemple, elle produit 50% du palladium mondial. (14)
L’Union Européenne recevait la majeure partie des exportations russes, surtout l’Allemagne qui dépend plus fortement des énergies fossiles.
En France, les industriels manquent de carbone. 80% des importations d’alumine provenaient de Russie, ce qui a fait doubler le prix des barres d’aluminium (15). La perturbation des chaines d’approvisionnement aboutit à de nombreux surcoûts, notamment sur les carburants fossiles. D’ailleurs, des produits de consommation courante sont aussi affectés : huiles, pâtes, farine, etc.
Ces effets, empirent dans notre pays et en Europe la situation de pénurie des matières généralisée déjà préexistante, et en génère de nouvelles.
Concernant les fabricants de puces électroniques, elles ont toujours un stock d’avance. Cependant, la durée de la guerre n’est pas un élément déterminé et la production pourra bel et bien être impactée.
Si l’approvisionnement venait réellement à manquer, le processus de l’offre et de la demande s’opérera et les prix risquent d’augmenter encore.
Raisons de la hausse de la demande mondiale en matières et composants
Les consommateurs ont été enfermés chez eux durant les différents confinements.
Ils ont multiplié les achats de produits électroniques, contribuant ainsi à une hausse très importante de la demande. Les ordinateurs, les tablettes, les consoles de jeux sont très populaires. L’épidémie est toujours très présente et les appels au télétravail obligent bon nombre de personnes à s’équiper. La demande des consommateurs entraîne logiquement une hausse significative des commandes de processeurs, des composants produits en Asie du Sud-Est pour la plupart. (16)
L’objectif mondial fixé à 2050 « Zéro carbone »
Pour atteindre cet objectif « Zéro carbone », le recours aux énergies renouvelables s’impose et donc à ses technologies nécessitant des grosses quantités de métaux pour leur réalisation.
Voici quelques exemples non exhaustifs des besoins en métaux par ces technologies (17) :
Pour les véhicules électriques, qui contiennent cinq fois plus de métaux critiques que les voitures thermiques il faut :
- du cuivre
- des alliages de terres rares (Nd, Dy, Pr)
Dans leurs circuits électroniques:
- Cuivre
- Étain
- Argent
- Or (1%)
Dans leurs batteries lithium-ion:
- Lithium
- Cobalt Nickel (1/10 de la production vient de Russie) manganèse
Pour les éoliennes
- Cuivre
- Aluminium
- Acier
- Néodyme mêlé au fer et au bore avec des ajouts de dysprosium et de praséodyme pour ses aimants permanents qui sont des métaux plus rares.
Pour les panneaux photovoltaïques
- Silicium
- Gallium, le germanium, l’indium
- Cuivre
- Aluminium
En France, un objectif de 34 Gigawatts d’énergie éolienne a été mis en place
Aujourd’hui, le parc électrique de la France métropolitaine est d’environ 136 Gigawatts.
Installer suffisamment d’éoliennes demande 50 000t de métaux, dont 20 000t de cuivre et 1500t de terres rares (Les terres rares regroupent 17 métaux : le scandium, l’yttrium, et les quinze lanthanides. Utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie pour leurs propriétés exceptionnelles.). En appliquant cela à l’échelle de l’Europe, les besoins en métaux seront astronomiques.
Malheureusement, de façon générale, la filière métallurgique subi des retards d’approvisionnement et d’importantes hausses de prix depuis fin 2020. (18)
Les difficultés importantes d’approvisionnement pour les entreprises industrielles de notre pays sont au plus haut.
27% des entreprises industrielles déclarent au printemps 2021 des difficultés d’approvisionnement, un chiffre historique.
Graphique ci-dessus : Hausse historique des difficultés d’approvisionnement dans l’industrie (19).
On observe ces difficultés également au niveau mondial, associées à une hausse des prix des matières premières industrielles. L’indice des prix des matériaux semi-conducteurs a doublé comme le cuivre et d’autres…
Graphique ci-dessus : Un phénomène mondial reflété par une hausse des prix des matières premières et des semi-conducteurs (20).
Le recyclage des déchets électroniques (avec la valorisation des métaux contenus) conduit de manière plus soutenue, permettrait de palier plus longtemps à cette pénurie grandissante.
Recyclage des déchets électroniques et connectiques – une réponse à la crise
Comme l’indique le contrat stratégique de filière Industrie Électronique 2018-2022, « (…) Concernant plus particulièrement les enjeux environnementaux et dans le cadre des règlementations européennes et internationales, (…)Considérant l’importance et le potentiel croissant de l’économie circulaire, la filière électronique devra définir les actions potentielles permettant, à différents stades du cycle de vie des produits de sa chaîne de valeur, d’augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et de diminuer l’impact environnemental : retraitement des matériaux, économies d’énergie, recyclage des déchets (composants et cartes électroniques, produits usagers, etc.) Ces actions pourront représenter un gain de compétitivité, notamment par la maîtrise des flux de matières premières, et renforceront notre rôle positif sur l’environnement (…) » (21)
Pendant que les européens conceptualisent et modélisent, la Chine, une fois encore, a pris par exemple une avance dans le recyclage et notamment du cuivre. Pour être moins dépendante des autres pays et enrayer ses importations massives, la Chine a mis en place le recyclage de ses métaux et a acheté en 2017 plus de la moitié des déchets de cuivre au monde (22).
Ci-dessus, Cubes de déchets de cuivre préparés pour le recyclage
Certes, les technologies de recyclage en Chine sont polluantes. Un article publié en janvier 2017 indique que le recyclage des déchets électroniques par l’Asie pour d’autres pays, notamment des États-Unis, est souvent au détriment de l’environnement et de la santé de sa population, « (…) Symptomatique de cette inquiétante tendance, la ville chinoise de Guiyu, dans la province du Guangdong (sud), dont l’économie entière tourne depuis longtemps autour du retraitement des déchets arrivant de l’étranger. Là, les métaux lourds ont contaminé l’eau et l’air. Une étude de chercheurs d’une université locale a montré de fortes concentrations de plomb dans le sang des enfants de la ville. » (23).
La demande réitérée ces dernières années par le Syndicat National des Entreprises de Sous-traitance Électronique (SNESE) trouve là tout son sens. Il souhaite définir une stratégie industrielle, pour que la France puisse inverser cette trop forte dépendance en sources d’approvisionnement (24).
Actuellement, plus que jamais le recyclage des déchets électroniques et connectiques a un rôle primordial à jouer.
Il peut être présenté en quelques chiffres suivants :
« (…) Selon une étude Ademe une tonne d’acier recyclé économise plus de deux fois sa masse en matière première. Elle permet d’éviter un rejet de 3,190 t équivalent CO2 en première fonte, et 1,100 t CO2 pour une tonne d’acier entièrement issu du recyclage. Une tonne d’acier recyclé permet d’éviter par rapport à la production d’une tonne d’acier primaire, l’équivalent de 57% des émissions de CO2 et de 40% la consommation énergétique primaire.
La production d’une tonne d’aluminium primaire produit de 1,7 à 23 tonnes de CO2 selon le procédé et la zone de production. L’aluminium secondaire issu du recyclage a une empreinte carbone beaucoup plus faible, ne nécessitant que 5% environ de l’énergie nécessaire à la production de l’aluminium primaire. Selon Federec en 2017, la valeur retenue est de 7 803 kg équivalent CO2 pour la matière primaire et de 562 kg équivalent CO2 pour la matière de recyclage avec une incertitude de 30% sur le facteur d’émission.
La valeur retenue pour le cuivre était de 2,930 kg CO2/kg de métal produit avec une incertitude de 50% (3,3 à 6,2 kg CO2/kg de métal avec un taux de recyclage de 40% sur la base d’une électricité entièrement produite au charbon). Il conviendrait toutefois d’ajouter l’empreinte carbone du transport de déchets français vers des pays tiers pour leur recyclage.
La France dispose d’un mix électrique faiblement carboné et des prix de l’électricité en moyenne plus bas que dans d’autres États membres (Italie, Royaume-Uni, Espagne, Belgique). Par exemple, les industriels peuvent se fournir à un prix régulé à 42 euros du MWh (…) » (25).